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Les vainqueurs écrivent l’histoire

15/05/2021

En 1806, Joseph Bonaparte, roi de Naples, a aboli le féodalisme dans le Royaume de Naples, mais la lecture de Fontamara, d'Ignazio Silone, et Le Christ s'est arrêté à Eboli, de Carlo Levi (qui traitent tous deux de l'entre-deux-guerres dans le sud de l'Italie) laissent pensifs.

Jusqu’alors, les villes et villages du sud, et leurs habitants, passaient de suzerain en suzerain comme des propriétés privées. La ville d’arrivée du jour, Guardia Sanframondi, porte ainsi le nom de la famille Sanframondo, qui y a fait construire un chateau pour garder la vallée Titernina. Bien sûr, ces dynasties se sont élevées et effondrées au fil du temps. En 1440, les Sanframondo ont juré allégeance à Alphonse V d’Aragon. Vingt ans plus tard, ils étaient dépossédés et poussés à l’exil par Ferdinand Iᵉʳ de Naples, qui donna leurs fiefs à la famille Carafa, ducs de Maddaloni et comtes de Cerreto Sannita. La ville et ses habitants étaient leurs jouets jusqu’en 1806, lorsque le frère de Napoléon a mis fin à ce système.

L’Italie est remplie de bâtiments, routes, lignes de démarcation définies par l’ancien régime. Le peloton file à travers, entraîné par ses propres dynasties profitant de leur prospérité. À 22 ans, le porteur de la Maglia Rosa Attila Valter a confessé après l’étape, à l’occasion d’une nouvelle démonstration d’élégance en intervie : “Je ne pourrais jamais m’habituer à cette sensation. Je veux dire, au départ du Giro, je me demandais ce que ça pouvait faire d’être Filippo Ganna en Italie. Maintenant j’ai une petite idée !”

Selon sa version des événements, “on a laissé l’échappée parfaite partir, avec neuf coureurs loin au général, et ensuite on a contrôlé toute la journée.”

Filippo Ganna pourrait contester cette version. Egan Bernal dans sa roue, le gladiateur a parcouru 44,5km dans la première heure, en bonne partie en montée, contrôlant la course presque à lui seul jusqu’à ce qu’une échappée qu’il jugeait acceptable soit autorisée à partir. Pendant ce temps, le détenteur du Record de l’heure Victor Campeanaerts, en tête du classement des poursuites en chasse-patates, s’est acharné pendant une dizaine de kilomètres pour finalement rejoindre le groupe de huit attaquants qui s’était finalement détaché.

Sur les neuf échappés, trois n’avaient jamais remporté de course chez les pros. Deux d’entre eux étaient déjà bien connus des suiveurs : deux ans plus tôt, Giovanni Carboni avait porté la Maglia Bianca pendant trois jours sur le Giro d’Italia, tandis que Kobe Goossens s’est illustré par ses offensives spectaculaires en ce printemps. Le dernier était Victor Lafay, vainqueur du Tour de Savoie en 2018, et dont l’équipe, Cofidis, ne s’était plus imposée sur le Giro depuis 2010. En sachant qu’un effort intense de 10 minutes correspondait parfaitement à ses qualités, il a attaqué à 3km de l’arrivée, dépassé Carboni et accéléré vers sa première victoire professionnelle, une étape de Grand Tour, comme Taco van der Hoorn il y a quatre jours.

Derrière lui, les dynasties féodales s’observaient d’un oeil suspicieux. Martinez escortait Bernal dans la dernière ascension, Almeida en faisait de même pour Evenepoel. L’étape de demain est la première des sept étapes de “grande difficulté” de ce Giro et, avec des changements d’alliances et les appels aux armes des seigneurs, on peut s’attendre à un grand chambardement dans la cour du Giro d’Italia.

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