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Voyage au centre de la terre

17/05/2021

Tout le monde savait que les Bora-Hansgrohe allaient tout faire pour que cette étape soit aussi inconfortable que possible.

Avant l’étape, Ellia Viviani l’avait annoncé : “Il y a une montée à 40km de l’arrivée, où un gars comme Sagan peut mettre un bon rythme.” Bien sûr, savoir ce qui nous attend est une chose ; agir en réponse en est une toute autre. Simon Pellaud l’avait déjà éprouvé dans cette étape. En vue du premier sprint intermédiaire à Santa Rufina, il se retrouvait opposé à deux meilleurs sprinteurs que lui, Samuele Rivi et Umberto Marengo. Son seul recours était d’attaquer de loin, mais ses rivaux l’ont poursuivi, rattrapé, et contraint à prendre la troisième place après son effort précoce.

L’échappée était reprise quelques minutes plus tard lorsque la Bora-Hansgrohe de Peter Sagan a augmenté l’allure de façon décisive à 54km de l’arrivée. Le peloton s’est étiré dans la montée du Valico della Somma et Groenewegen, Merlier, Dekker, Nizzolo ont sauté tour à tour. Après avoir vu Cimolai s’offrir une jolie deuxième place la dernière fois que Bora a lancé pareille offensive, dans la 3e étape, Israel Start-Up Nation a sollicité Brändle, puis Dowsett et De Marchi pour entretenir l’allure. À l’arrivée, Molano a lancé de loin, pendant que son équipier Gaviria prenait la roue de Sagan, mais il était impossible de stopper le Slovaque. Gaviria, qui avait accueilli Sagan lors de ses vacances en Colombie il y a deux ans, a fini deuxième. Et Cimolai a complété le podium.

L’arrivée, à Foligno, est un des nombreux endroits au fil de l’étape qui se revendique comme le centre de l’Italie, si ce n’est celui de l’Europe voire du monde. À Antrodoco (km 28,7), le centre est marqué par un petit obélisque à l’extérieur d’une église. À Foligno, ce point a été identifié avec la boule au centre du triangle sur la table de billard dans le vieux Caffè Sassovivo au 60, Corso Cavour. Imaginez un voyage au centre de la terre en première classe, avec une liaison directe. Certains voyages sont censés être épuisants. Le confort des transports modernes prive de son vrai sens l’énigme de l’arrivée. En torturant le reste du peloton, Bora redonnait un semblant d’équilibre à l’univers.

Le sprint intermédiaire à Campello di Clitunno, à 17,8km de l’arrivée, était encore plus fascinant. Les Deceuninck – Quick-Step tournaient dans les premières positions, menaçant de reproduire leur assaut sur le sprint de Vercelli dans la 2e étape. Une nouvelle fois, Keisse a emmené Evenepoel, et Ganna a surgi pour les dépasser, mais cette fois Bernal était dans sa roue. Ils ont créé un écart qu’Evenepoel a bouché lui-même. Il les a dépassés, Bernal restant en trait, avant que Jhonatan Narváez prenne la situation en main pour aller chercher 3”. Deuxième, Evenepoel prenait 2”, et Bernal suivait avec une bonification de 1”. De quoi ramener à 14” l’avance de Bernal au général.

Le résumé d’Egan, qui ne mentionnait pas Evenepoel ou la seconde perdue, était un exemple parfait du narrateur non fiable : “J’ai simplement suivi Pippo. J’ai vu l’occasion de prendre une seconde avec un effort minimal, alors pourquoi pas ? On est là pour s’amuser sur la course et c’est ce qu’on fait.”

Il est impossible d’écouter ces interviews sans penser à la l’expérience optimale du psychologue Mihaly Csikszentmihalyi et à ce qu’il appelle le “flow” : “Les meilleurs moments de la vie n’arrivent pas lorsque la personne est passive ou au repos… Ces grands moments surviennent quand le corps et l’esprit sont utilisés jusqu’à leurs limites dans un effort volontaire en vue de réaliser quelque chose de difficile et d’important. L’expérience optimale est donc quelque chose que l’on peut provoquer.”

Nous nous égarons souvent dans nos petites parcelles de temps. Le Giro rassemble les coureurs et les spectateurs pour nous transporter dans le même flow.

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