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La catapulte de Caleb

14/05/2021

En 1862, Torino, au km 128,6 de la 7e étape du Giro 2021 le long de la côte adriatique, a pris le nom du fleuve local pour devenir Torino di Sangro et éviter toute confusion avec la toute nouvelle capitale de l’Italie naissante. Les sprints intermédiaires et les ascensions répertoriées de ce Giro d’Italia lancé à Turin peuvent présenter une confusion similaire. Avant le premier sprint à Crecchio, Peter Sagan et Daniel Oss ont lancé un assaut malicieux pour prendre les 5 points Maglia Ciclamino offerts pour le 4e coureur sur la ligne, derrière les trois échappés du jour, qui n’ont aucun intérêt pour la Maglia Ciclamino mais pourchassaient les points des Traguardi Volanti (sprints intermédiaires) et de la Combativité. De fait, Simon Pellaud, qui avait pris la tête du classement Fuga Bianchi (déterminé par le nombre de km en échappée) depuis le 25e km, a amassé suffisamment de points pour être leader de ces différents classements annexes, bien qu’Umberto Marengo soit passé en tête. S’ils avaient pu laisser tous les points Ciclamino à Sagan, ils l’auraient probablement fait. Mais, contrairement à Turin dans le Piémont et Torino dans les Abruzzes, ces catégories sont fondues dans le même moule. Elles sont indissociables. Il n’y a pas d’issue.

Entourés par la grande caravane du cyclisme moderne (les motos de la TV et de l’organisation, les hélicoptères…), les trois échappés (le Britannique de l’île de Man Mark Chrstian accompagnait cette aventure) ont accéléré le long de la “Costa dei Trabocchi”, montrant au monde entier et aux touristes potentiels les merveilles du coin. Le “trabocco” (ou “trabucco”) est une plateforme de bois qui, suspendue quelques mètres au-dessus des eaux, jette dans la mer deux bras en forme de catapultes (les “antennes”) manipulant un grand filet de pêche aux mailles resserrées appelé “trabocchetto”. L’industrie moderne n’a de cesse de ridiculiser les technologies traditionnelles avec ses alternatives high-tech, mais, à l’image du cyclisme moderne, le concept original continue de saisir notre imagination.

Dans une de ses chroniques pour le magazine L’Espresso, Umberto Eco a écrit sur ces technologies élémentaires, parmi lesquelles il comptait le vélo :

“Le livre appartient à ces miracles de technologie éternelles, comme la roue, le couteau, la cuiller, le marteau, la marmite et le vélo. Le couteau a été inventé très tôt, le vélo très tard. Mais qu’importent les efforts des ingénieurs, en modifiant des détails, la nature du couteau reste la même. Il y a des machines pour remplacer le marteau, mais dans certains cas vous aurez toujours besoin de quelque chose qui ressemble au premier marteau jamais apparu à la surface de la terre. Vous pouvez inventer un système de vitesses sophistiqué, mais le vélo reste ce qu’il est, deux roues, une selle, et des pédales. Sinon, on parle de mobylette et c’est une tout autre histoire.”

Vous pouvez aussi mettre Caleb Ewan sur un vélo, et il devient une mobylette. Son sprint vainqueur était la mise en oeuvre parfaite d’un plan bien établi.

“Tous mes gars étaient devant assez loin de l’arrivée, parce qu’il y avait des passages dans les 10 derniers km où il fallait vraiment être devant, pour ne pas avoir à freiner ou quoi que ce soit. Le plus important pour moi, je leur ai dit, c’était le pied de la montée parce que je pouvais conserver beaucoup d’énergie en n’étant pas gêné.”

La tentative spectaculaire de Fernando Gaviria de faire dérailler ce plan en anticipant le sprint n’a pas suffi. Ewan et la Lotto Soudal ont manoeuvré à la perfection.

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